« Le 23 septembre jour de l’anniversaire des 20 ans de mon fils[1], je pars pour Poitiers, emportant linge et vivres. Je m’adresse au 13 rue des Ecossais à Poitiers, c’est le bureau qui autorise à se présenter à la prison. Une brute s’amène et me dit : vous ne verrez pas votre fils, mais vous pouvez lui porter du linge et un peu de vivres.
Je pars à la prison de Pierre-Levée. En général, on devait se présenter le 1er et le 15 du mois. Je suis reçue par un planton qui devait prendre mon paquet et refermer la porte sur moi. Avec un peu d’audace, je demande à voir le chef qui causait parfaitement le français. Je lui exprime le désir d’avoir le linge sale de mon fils.
Il me fait attendre 15 minutes environ. Là devant de gros barreaux où l’on n’entend que le bruit de clés et verrous, un boche revient me remettre un petit paquet de linge dans un journal : une chemise garnie de piqûres de puces et très sale, caleçon, chaussettes. C’est ce qu’il portait au jour de son arrestation.
Maintenant je n’ai qu’à repartir, je n’ai plus rien à prétendre. J’ai passé quelques minutes derrière ces gros barreaux, tout près de lui, jour anniversaire de ses vingt ans. »
(Extrait du journal personnel de la mère d’un résistant, détenu à Poitiers, puis déporté à Buchenwald)
[1] Année 1943